Résumé des projets financés INTERRVIE

Fractionnements isotopiques phosphate-eau et carbonate-eau de l’oxygène de l’apatite des vertébrés-AMIOT Romain

Ce projet a pour objectif de caractériser les différences de fractionnement isotopique de l’oxygène entre phosphate-eau et carbonate-eau de l’apatite de vertébrés et d’en comprendre les sources de variations, afin d’améliorer les proxies isotopiques paléo-environnementaux basés sur la mesure de la compositions isotopique de l’oxygène du groupement carbonate de l’apatite. Ce projet comprendra 1) un volet consistant à documenter ces différences à partir de l’analyse isotopique d’os et de dents de vertébrés actuels appartenant aux principaux groupes taxonomiques (reptiles dont oiseaux, mammifères, poissons et amphibiens) ; 2) un volet modélisation permettant de comprendre les sources de variations en terme de contributions physiologiques (température corporelle, évapo-transpiration) et environnementales (composition isotopique et quantité relative d’oxygène atmosphérique) ; et 3) un volet d’établissement d’équations de fractionnement carbonate-eau pour les groupes taxonomiques étudiés.

Réponses Adaptatives des Mammifères D’Afrique à l’épisode climatique du MIS M2– BARBONI Doris

Un changement climatique épisodique engendre-t-il forcément une réponse adaptative pérenne (morphologique et/ou comportementale), ou est-ce que la plasticité comportementale en absorbe les principaux effets ? Nous proposons de le tester sur l’écosystème de la basse vallée de l’Omo (Éthiopie) pendant l’épisode globalement froid du MIS M2 (3,312 Ma – 3,264 Ma) qui est intercalé au sein d’une période de >2 millions d’années globalement chaude, stable, et de forte concentration en CO2. Ce projet entre spécialistes des géosciences (INSU) et de l’évolution biologique (INEE) vise à quantifier, pour la première fois, l’effet de la glaciation M2 sur les paysages et la végétation, et la nature et l’amplitude des réponses adaptatives des faunes tropicales à un événement climatique global, abrupt et court, survenu au cours du Pliocène. Les objectifs sont de mieux contraindre les mécanismes à l’origine de changements adaptatifs importants au sein des faunes aux échelles individuelle, spécifique, et de la communauté.

Etude multi-échelle de stromatolites lagunaires actuels en Sardaigne pour le decryptage des archives biologiques et environnementales-BENZERARA Karim

Les stromatolites sont des matériaux géo-biologiques particulièrement emblématiques puisqu’ils représentent la plus ancienne manifestation des interactions minéral/vivant, vieille de plusieurs milliards d’années. Ils jalonnent de plus l’ensemble de l’histoire de la Terre et ont reçu une attention particulière pour les informations qu’ils peuvent livrer sur la paleobiodiversité microbienne et les paléoenvironnements. Cependant, alors que notre compréhension sur la façon de tirer ces informations et de les interpréter est dépendante de notre connaissance d’analogues actuels, cette dernière reste très lacunaire. La récente découverte de stromatolites lagunaires actuels en Sardaigne, évoluant dans un milieu soumis à de fortes variations physico-chimiques, notamment de salinité a conduit à l’obtention d’un financement de thèse pour étudier la chimie de ces matériaux de l’échelle macroscopique à l’échelle nanoscopique afin de faire des stromatolites actuels de Sardaigne un modèle de référence pour les environnements lagunaire. Au vu des premiers résultats obtenus, nous avons souhaité soumettre ce projet afin d’aller plus loin dans les analyses de minéralogie et de composition chimique déjà initiées et afin de mettre en place une approche analytique inédite. Ce travail impliquera de nouvelles collaborations entre des géobiologistes, un paléontologue, un isotopiste et un pétrologue. L’objectif ici sera de comprendre quelles sont les informations géobiologiques qui peuvent être enregistrées dans la partie minérale et comment celles-ci nous renseignent sur l’environnement de formation des stromatolites. Pour cela, les variations minéralogiques soulignant les laminations et leur composition chimique (trace, isotopes), utilisés comme des traceurs précieux des conditions de formation des minéraux seront analysées. A terme, l’ensemble de ces analyses seront corrélées sur des zones centimétriques avec une résolution micro- à nano-métrique. Cette approche corrélative et résolutive inédite permettra d’évaluer la distribution spatiale des éléments chimiques majeurs et traces afin de montrer si ces matériaux ont enregistré la variabilité physico-chimique inhérente à leur environnement de formation. Une attention toute particulière sera portée aux enregistrements des signaux de fluorescence/luminescence, particulièrement sensibles à la préservation de la matière organique et donc potentiellement à la diversité microbienne qui sera par ailleurs caractérisée par des approches moléculaires. Enfin, les étapes de fossilisation des microorganismes marquées par l’encroûtement et/ou le remplacement de cellules par des minéraux seront caractérisées jusqu’à l’échelle nanométrique.

Quelles modalités de récupération post crise Dévonien-Carbonifère ?– DECOMBEIX Anne-Laure

La limite Dévonien-Carbonifère (-359 Ma) correspond à une période de crise biologique majeure, touchant les milieux marins et terrestres. Le projet DECA propose d’explorer les modalités de récupération post-extinction à travers l’étude de la diversité systématique et fonctionnelle des plantes et des vertébrés marins. L’étude se focalisera principalement sur la région de la Montagne Noire (Hérault), internationalement connue pour ses affleurements du Dévonien et Carbonifère. Les données seront complétées par la prospection de gisements paléogéographiquement proches (Irlande), et potentiellement favorables pour les plantes au plus près de la limite D-C. Il regroupera les compétences en paléontologie animale, paléobotanique, sédimentologie et géochimie de chercheurs de trois UMR montpelliéraines (AMAP, ISEM & Géosciences). Le couplage de données taxonomiques et fonctionnelles permettra une approche intégrative originale de la dynamique de récupération. L’étude conjointe des plantes terrestres et des vertébrés marins permettra non seulement de comparer la réponse de deux groupes d’organismes différents mais aussi d’analyser la dynamique de récupération (résilience ou refonte des écosystèmes) à la fois en milieu marin et continental.

IN VItro bivalve Shell Incorporation of Trace Elements for source evaluation.- EMMANUEL Laurent

Les marqueurs géochimiques des carbonates biogéniques présentent encore des incertitudes qui entravent leur utilisation pour estimer les paramètres physico-chimiques de l’environnement pour les temps anciens, tel que la température à partir du rapport Mg/Ca. Les coquilles de bivalves sont des outils très prometteurs pour la reconstruction du climat en raison de leur croissance rapide sur plusieurs années, mais des études antérieures ont révélé que les coquilles des sites estuariens présentent un rapport Mg/Ca trois fois plus élevé que celui des sites marins ouverts à salinité et température identiques. Les causes de ces observations sont inconnues. Un filtre biologique (l’organisme) existant entre l’eau de mer et la coquille, il est possible que le Mg de l’environnement nécessite d’être sous forme libre ionique pour être incorporé dans la coquille, et que sa biodisponibilité soit restreinte sous forme complexée. Cette hypothèse n’a jamais été correctement étudiée, et d’importantes questions demeurent sans réponse : quelles sont les modalités d’incorporation élémentaire de l’eau de mer à la coquille ? Existe-t-il une différence d’état du Mg entre les environnements estuariens et ouverts, et est-ce que cette différence interfère dans les processus d’incorporation dans la coquille ? Quelle est la source du Mg dans l’eau de mer qui se retrouve piégé dans la coquille ? Le présent projet examinera pour la première fois les sources potentielles de l’eau de mer du Mg incorporé dans les coquilles d’huîtres (Crassostrea gigas) avec une expérimentation d’élevage à long terme en aquarium à température constante. Le suivi des conditions physico-chimiques (température de l’eau, salinité, pH, évolution de la composition élémentaire) de l’eau de mer artificielle sera effectué avec une fréquence quotidienne à hebdomadaire. Les compositions isotopiques et élémentaires des coquilles seront mesurées avec des techniques de pointe (LA-ICP-MS) et convertis en données chronologiques grâce à l’étiquetage in vivo (fournissant un étalonnage temporel) pendant toute la période d’élevage afin d’identifier les phases d’élevage et de comparer la géochimie de la coquille aux mesures physico-chimiques de l’eau. Ces expériences s’effectueront avec des concentrations variables en Mg2+ libre et en Mg complexé afin de déterminer la capacité des bivalves à incorporer le Mg sous ces deux formes. Un protocole sera également mis au point pour mesurer de façon discriminatoire les différentes formes de Mg dans l’eau de mer naturelle (chromatographie ionique, électrophorèse capillaire) afin de déterminer si des différences existent pour des sites présentant des caractéristiques environnementales différentes. La phase finale de l’élevage utilisera comme nourriture des cultures de phytoplancton dopé au 25Mg, afin de pouvoir définir la part du Mg trophique dans l’incorporation de la coquille, qui sera analysée par LA-ICP-MS. Enfin, des applications de reconstruction environnementale seront effectuées sur des coquilles d’huîtres archéologiques disponibles (Optimum Climatique Médiéval, Petit Âge Glaciaire…) après une évaluation de l’impact diagénétique (cathodoluminescence, MEB). Les résultats attendus du projet permettront d’améliorer la précision des reconstitutions environnementales, qui pourront fournir des données de haute qualité aux modèles climatiques prédictifs et contribueront à la prise de décisions concernant les changements climatiques actuels.

Résoudre l’identité de Ratites fossiles énigmatiques continentaux, et de l’île de Lanzarote (Canaries), par la paléo-protéomique de coquilles d’œufs- LOUCHART Antoine

Les Ratites (Aves, Palaeognathae) sont ces oiseaux remarquables, terrestres et non-volants, généralement de grande taille: autruches, nandous, émeus, casoars, et kiwis, auxquelles s’ajoutent les Ratites récemment éteints (oiseaux-éléphants de Madagascar, moa de Nouvelle-Zélande). Avec les tinamous (volants, Amérique du Sud), les Ratites forment le clade des Palaeognathae, groupe-frère de tous les autres oiseaux modernes (appelés Neognathae). Dans l’Ancien Monde (Afrique, Eurasie) les seuls Ratites, hors Madagascar, sont les autruches Struthio camelus et S. molybdophanes. Or, un abondant registre fossiles de coquilles de Ratites, généralement fragmentées, émaille tout le registre fossile du Miocène inférieur à l’Holocène, couvrant non-seulement l’Afrique et le Moyen-Orient, mais aussi l’Europe et l’Asie. Les autruches actuelles et subactuelles apparaissent donc comme des représentants très relictuels qui émergent d’un ensemble encore confus de lignées différentes de Ratites ayant pondu ces nombreux œufs en Afrique, en Europe et en Asie, au cours du Néogène. Or, ce registre fossile est très difficile à mettre en lien avec les oiseaux qui les ont pondus. Des autruches, mais aussi probablement d’autres lignées de Ratites sont en jeu, au vu de la diversité des morphologies des coquilles. Les associations coquilles-ossements sont très rares. De plus, un registre est particulièrement énigmatique: celui de deux types de coquilles apparemment de Ratites, dans le Pliocène inférieur de Lanzarote, une des îles Canaries. La présence de Ratites, y compris à cette période, est actuellement inexplicable car les Canaries sont volcaniques et n’ont jamais eu de connexion avec le continent. Pour tenter d’élicider ces problèmes, il faudrait identifier le plus précisément possible l’identité des oiseaux qui ont pondu ces oeufs. Afin d’aider à résoudre ces différentes question inter-connectées, nous voulons dans le présent projet réaliser des analyses de paléo-protéomique sur coquilles d’oiseaux. Ces techniques ont montré récemment des résultats spectaculaires jusqu’à des âges au moins Pliocène inférieur. Nous allons ainsi analyser des échantillons des deux types de coquilles de Lanzarote, ansi que d’une demi-douzaine d’autres types de coquilles, continentales, d’âge au maximum Pliocène inférieur (et jusqu’à Holocène). Par comparaison des séuences protéiques obtenues avec les autruches et autres Ratites actuels, nous voulons préciser l’identité des oiseaux qui ont pondu ces différents types d’oeufs. Cela permettra de mieux comprendre l’origine, aujourd’hui énigmatique, des oiseaux géants à l’origine des œufs de deux lignées à Lanzarote au Pliocène inférieur, ainsi que l’identité des représentants terminaux des (au moins) deux lignées de Ratites présentes ensemble en Eurasie et en Afrique au Plio-Pléistocène. Par là-même, les résultats apporteront des moyens d’interpréter plus précisément l’ensemble du registre fossile des Ratites dans l’Ancien Monde. L’importante histoire évolutive de tout ce groupe de Paléognathes sur plusieurs continents est majeure, en tant que les Paléognathes sont groupe-frère de tous les autres oiseux modernes (Neornithes), et leur histoire reste très mal connue à cause d’un registre fossile très pauvre avant le Néogène. L’origine des autruches actuelles sera également mieux comprise. Enfin, le mystère des œufs de Ratites présumés de Lanzarote et les problèmes paléobiogéographiques qu’ils posent depuis plus d’un demi-siècle pourront être potentiellement résolus.

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